Quelques plantes toxiques du Massif central - Partie I : Introduction

Publié par Jacques Bourgois, le 4 novembre 2023   380

Le muguet porte-bonheur, le bois-gentil, le colchique annonciateur de l’automne, la superbe aconit napel ou casque de Jupiter, la belladone ou belle dame, la digitale ou gant de Notre Dame pour ne citer que ces fleurs communes à nos régions cachent sous leur aspect attrayant un caractère nocif pour les humains ou pour les animaux. Les composés présents dans ces plantes peuvent s’attaquer au cœur, aux reins, au foie ou au système nerveux. Attention, toutes ces belles sont dangereuses !

Cette série d’articles a pour but d’attirer l’attention du lecteur sur l’existence de plantes toxiques voire mortelles par ingestion, par contact cutané ou encore par inhalation prolongée de leur parfum. Ces plantes peuvent se trouver dans la nature, dans les jardins ou encore dans les espaces publics. Mais comme une personne avertie en vaut deux, il ne faut pas céder à la psychose : même si le danger existe, le risque sera négligeable moyennant certaines précautions simples à mettre en œuvre comme (i) ne pas ingérer des plantes inconnues ou toxiques, (ii)manipuler les plantes dangereuses avec des gants, (iii)apporter une attention particulière aux enfants.

La toxicité des plantes a été étudiée et employée depuis la nuit des temps. L’utilisation des ‘poisons’ végétaux a été prouvée depuis l’Egypte pharaonique, puis la Grèce et la Rome antiques. C’est dans le papyrus Ebers, premier traité médical, que l’on retrouve certaines substances toxiques employées à l’époque, comme l’aconit, la belladone, la ciguë, le pavot … Ces substances étaient utilisées à des fins médicales mais également moins avouables comme les empoisonnements visant à se débarrasser de rivaux ou à s’enrichir.

Ne pouvant se déplacer dans leur environnement, les plantes ont développé au cours de l’évolution, différentes stratégies pour se défendre de leurs prédateurs. Il peut s’agir de :

  • défense physique par production :
    • d’épines (rameaux courts modifiés sur la tige) comme le rosier, la ronce, l’acacia,
    • de piquants (feuilles modifiées) comme le houx ou les cactus,
    • de duvets servant de protection contre les herbivores de petite taille, les poils présents peuvent être urticants comme ceux des orties,

« Les épines, à quoi servent-elles ? » demandait le Petit Prince. « Les épines, ça ne sert à rien, c’est de la pure méchanceté de la part des fleurs » répondit Saint-Exupéry. Le Petit Prince dit alors à l’homme sérieux « Je ne te crois pas ! Les fleurs sont faibles. Elles sont naïves. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se croient terribles avec leurs épines ».

Sont-elles si terribles ? Lorsque vous voulez cueillir une rose, il ne vous viendrait pas à l’esprit de le faire à main nue : le prédateur c’est vous et la rose a appris à s’en défendre…mais elle ne savait pas que le prédateur inventerait le sécateur ! Il en est de même pour le houx qui égaie nos tables de fins d’année. Quant aux orties, elles savent très bien nous faire comprendre de ne pas trop s’approcher d’elles.

  • défense chimique par production de différentes molécules pouvant être classées en 4 groupes : dans ce cas c’est la guerre chimique qui est déclarée…et ce sont toujours les plantes qui gagnent ! Vous avez tous vu la moue des enfants portant leurs doigts à leur bouche après avoir cueilli des fleurs de pissenlit…ils n’y reviennent plus !
    • les composés azotés : on trouve dans cette classe par exemple les alcaloïdes (ayant des effets pharmacologiques sur les humains et les animaux et un goût fortement amer) et les glucosides cyanogènes stockés de manière inactive dans les feuilles mais devenant, une fois mastiqués, fortement toxiques par libération d’acide cyanhydrique bloquant la respiration cellulaire,
      • les alcaloïdes sont des molécules chimiques possédant un atome d’azote en général hétérocyclique. Ils interagissent sur un nombre important de récepteurs biologiques et ainsi peuvent créer divers troubles comme des effets sur l’activité cérébrales, des effets sur le système cardiovasculaire ou des activités sur la division cellulaire. Tous ces effets sont bénéfiques à faibles doses, si ces dernières dépassent un certain seuil ces composés deviennent de véritables poisons. Comme l’a écrit Paracelse dans les années 1500 (médecin et philosophe suisse) « Tout est poison et rien n’est sans poison ; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison »,
      • les glucosides cyanogènes sont présentes dans plus de 2 500 espèces de plantes et ont la particularité de dégager de l’acide cyanhydrique bloquant la respiration cellulaire,
    • les terpènoïdes : certains (les monoterpénoïdes) sont des huiles essentielles largement utilisées (citronnelle, menthol, camphre, …) tandis que d’autres (les diterpénoïdes) présents dans les latex et les résines peuvent être très toxiques. Les terpénoïdes sont généralement responsables des arômes et des odeurs des plantes. Tout comme les alcaloïdes, ils peuvent se lier avec différents récepteurs situés à la surface ou à l’intérieur des cellules humaines ou animales créant ainsi des réactions biochimiques. Là encore, à faible dose-tout va bien,
    • les composés phénoliques existant en trois classes :
      • les flavonoïdes responsables de la couleur des fleurs, des fruits ou des feuilles,
      • les acides phénoliques : non toxiques et ayant des vertus médicinales,
      • les polyphénols comme les tannins qui existent dans toutes les parties de la plante, ils interfèrent avec les protéines de la salive ou des enzymes digestives … ce qui diminue la digestibilité de l’aliment,
    • d’autres composés comme la silice (présente par exemple dans les cellules épidermiques des prêles ou les poils urticants de l’ortie) totalement indigestes pour les animaux.

Les différentes défenses des plantes font que les herbivores ont appris ce qui est mangeable de ce qui ne l’est pas, sans doute leur odorat n’est pas étranger à cela. Quant aux hommes, eux aussi ont appris depuis longtemps le ‘bénéfice’ qu’ils pouvaient tirer des plantes vénéneuses que l’on retrouve par exemple dans des flèches empoisonnées au curare (issu d’extraits de lianes amazoniennes), le  ‘mauvais café’ des Borgia (probablement à base de jusquiame), ou le breuvage ayant entraîné la mort de Socrate (mélange d’extraits de ciguë et de jusquiame) …
Les Centres antipoison français recensent chaque année environ 9 000 cas d’intoxication par les végétaux dont 700 classés comme graves et pouvant conduire à des décès. Ces intoxications peuvent être de deux types : par ingestion ou par simple contact. Le Ministère de la Santé et de la Prévention a dressé une liste de végétaux ayant un taux toxicité aigu dans l’Arrêté du 04 septembre 2020 du Journal Officiel relatif à l’information délivrée aux acquéreurs de végétaux susceptibles de porter atteinte à la santé humaine :19 plantes toxiques en cas d’ingestion,10 plantes pouvant entraîner des réactions cutanéomuqueuses,6 plantes pouvant entraîner une phytodermatose.

Si, lors d’un séjour en Angleterre, le lecteur veut se faire peur, qu’il aille visiter le « Jardin des poisons » dans les parcs du château d’Alnwick (comté du Northumberland). Y sont présentées, cent des plantes les plus toxiques du monde : lors de la visite, il est interdit de sentir, de toucher ou de gouter l’une d’entre elles.

Nous nous intéresserons, dans les articles suivants, uniquement à la défense chimique des plantes par production de molécules dangereuses et les espèces suivantes seront décrites : 
Aconit napel - Belladone - Bois joli - Ciguë aquatique - Colchique d’automne - Datura et Brugmensia - Dauphinelle - Digitale pourpre - Dompte venin - Gui - Hellébore fétide - Houx - Lupin - Muguet - Sceau de Salomon - Vératre blanc

Pour chaque plante seront présentés : habitat, description, causes de leur toxicité, effets sur les humains, effets bénéfiques dans le domaine médical ainsi que les croyances, quelquefois depuis l’Antiquité, liés à la plante.
Pour chaque plante seront présentés : habitat, description, causes de leur toxicité, effets sur les humains, effets bénéfiques dans le domaine médical ainsi que les croyances, quelquefois depuis l’Antiquité, liés à la plante.

Nous nous efforcerons de publier les prochains articles en fonction, si possible, de la date d’apparition des plantes concernées dans la nature.

L’auteur de ces quelques pages n’étant ni botaniste, ni toxicologue averti prie le lecteur d’excuser toute erreur ou omission et remercie Michèle pour son aide précieuse  tout au long de ces articles.


A suivre : le Colchique d’automne

Pour en savoir plus :

Georges Becker, Plantes toxiques, Edition Gründ, Paris, 1995

Frantisek Stary, Plantes médicinales, Edition Gründ, Paris 1992

Fleurs familières et méconnues du Massif central, Edition Debaisieux, Beaumont 2000

Guide de la flore de Haute-Loire tome 1, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2008

Guide de la flore de Haute-Loire tome 2, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2010

ANSES, Fiche d’information, Plantes toxiques en cas d’ingestion, Maison-Alfort 2021 (ANSES-Ft-Plantes-toxiques-ingestion-2021.pdf)

Bienvenue sur le site des plantes toxiques (toxiplante.fr)

Plantes Risque (plantes-risque.info)

Microsoft Word - PLANTES TOXIQUES_web*_txtFR.docx (plantentuinmeise.be)

Liste des Plante toxique - Encyclopédie - Conservation Nature (conservation-nature.fr)

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