Quelques plantes toxiques du Massif central Partie VI : le Bois joli (Daphné mezereum)
Publié par Jacques Bourgois, le 14 février 2024 1k
Bois joli, Bois gentil, Lauréole jolie, Lauréole gentille : cette plante possède des dénominations élégantes, ses fleurs ont un parfum suave, ses fruits sont attirants. Elle semble avoir toutes les qualités, pourtant il faut s’en méfier car c’est tout l’arbrisseau qui est très toxique : odeur, écorce, fleurs, baies...elle n'est pas si gentille que cela!
Le bois joli appartient au genre Daphné, c’est un arbuste 0,50 à 1 mètre de hauteur possédant un bois grisâtre si souple qu’il est impossible à casser. Il pousse sur sol calcaire en lisière de bois frais de feuillus (surtout hétraie) entre 800 et 2000 mètres d’altitude. Les feuilles vert clair, alternes, caduques sont situées à l’extrémité des rameaux. Les fleurs s’épanouissent en mars-avril avant le développement complet des feuilles. Elles sont étoilées, d’une couleur rose à pourpre, disposées en grappes au sommet des tiges et sont très parfumées (les spécialistes seront plus précis : parfum à notes d’œillet, de jasmin et de jacinthe rehaussées d’une pointe épicée de girofle). Les fleurs sont suivies de baies d’un beau rouge vif brillant, juteuses et d’un goût amer. Le bois joli est cultivé à titre ornemental.
Toute la plante est toxique, elle contient deux principaux principes actifs, la daphnine (hétéroside non dangereux), les daphnétoxines (composés diterpénoïques) dont la mézéréine, résine inflammatoire et cancérigène.
Mézéréine : C38H38O10
Daphnine : C15H16O9
Si les baies ou les fleurs sont machées, surviennent : une sensation de brûlure sur la langue et les lèvres, une soif intense, des vomissements suivis de diarrhées. L’intoxication est jugée comme grave en cas d’ingestion de 2 baies chez l’enfant et de 10 baies chez l’adulte : on observe alors de la fièvre, des vertiges, des troubles cardiaques, des crampes et des convulsions pouvant aboutir à un décès. L’inhalation profonde et répétée du parfum des fleurs peut conduire à des maux de tête et une irritation de la muqueuse nasale. L’écorce est également toxique, si on la frotte sur la peau surviennent de vives démangeaisons ainsi qu’une rougeur et des vésicules. Il est conseillé de ne pas ingérer fruit ou fleur, de se laver la peau en cas de contact, se rincer abondamment la bouche en cas d’ingestion et de tenir les enfants hors de portée du bois gentil.
Le Bois-joli a été utilisé dans le passé pour traiter la syphilis, les carcinomes ou les ulcères. La mézéréine a été étudiée dans le domaine médical, elle possède des propriétés anti leucémiques mais serait également promoteur de cancer de la peau.
Phytothérapie : écorce, fruits et feuilles ont été utilisés en tant que purgatif, diurétique et dans les traitements des maladies de peau. Les effets indésirables étant supérieurs au bénéfice attendu, cette plante n’est plus utilisée aujourd’hui à des fins médicinales.
En homéopathie, la teinture mère provient de l’écorce du Bois joli récoltée avant l’apparition des fleurs. Elle est administrée contre certaines affections cutanées (urticaire, eczéma, zona, varicelle, …) et contre les douleurs osseuses ou dentaires.
Autres usages : autrefois, les baies étaient utilisées pour teindre la laine en rouge et l’écorce fournissait une teinture jaune et associé au pastel une teinture verte. Les fruits ont également été utilisés pour empoisonner les renards et les loups.
Un peu d’histoire : Daphné était une nymphe d’une grande beauté de la mythologie grecque. Appolon, touché par une flèche de Cupidon, tomba follement amoureux de Daphné, hélas cet amour n’était pas réciproque. Elle a alors fui Appolon et afin de lui échapper définitivement, elle fut transformée en laurier par son père, le dieu Pénée. Appolon voua alors un véritable culte à cet arbre, c’est ainsi que les vainqueurs aux jeux de Delphes organisés en l’honneur d’Appolon, recevaient une couronne de laurier.
Appolon et Daphné, Bernin (1598-1680), Galerie Borghèse, Rome
Langage des fleurs : les Daphnés évoquent la gloire, la gentillesse, la séduction jusqu’à l’envoûtement.
A suivre : le Perce Neige
Pour en savoir plus :
Georges Becker, Plantes toxiques, Edition Gründ, Paris, 1995
Frantisek Stary, Plantes médicinales, Edition Gründ, Paris 1992
Fleurs familières et méconnues du Massif central, Edition Debaisieux, Beaumont 2000
Guide de la flore de Haute-Loire tome 1, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2008
Guide de la flore de Haute-Loire tome 2, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2010
ANSES, Fiche d’information, Plantes toxiques en cas d’ingestion, Maison-Alfort 2021 (ANSES-Ft-Plantes-toxiques-ingestion-2021.pdf)
Bienvenue sur le site des plantes toxiques (toxiplante.fr)
Plantes Risque (plantes-risque.info)
Microsoft Word - PLANTES TOXIQUES_web*_txtFR.docx (plantentuinmeise.be)
Liste des Plante toxique - Encyclopédie - Conservation Nature (conservation-nature.fr)
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