Quelques plantes toxiques du Massif central Partie VII : le Perce neige (Galanthus nivalis)

Publié par Jacques Bourgois, le 4 mars 2024   320

« Violette de la Chandeleur,

Perce, perce, perce-neige,

Annonces-tu la Chandeleur,

Le soleil et son cortège

De chansons, de fruits, de fleurs

Perce, perce, perce-neige

A la Chandeleur »

Robert Desnos (1900-1945)

Le nom de Perce neige fait référence à la floraison hivernale de cette plante qui se développe alors que la neige est encore présente. Galanthus vient du grec gala = lait et anthos = fleur. Le botaniste grec Théophraste l’avait nommé ‘violette blanche’ au IVe siècle avant J.C. et différentes dénominations existent : Galanthe des neiges, Clochettes d’hiver, Violette de la chandeleur ou encore Goutte-de-lait. Comment pourrait on imaginer que cette petite plante annonciatrice du printemps, aux clochettes d’un blanc si pur, symbolisant le renouveau pourrait être dangereuse.

La Perce neige est une plante à bulbe très répandue dans le Massif-central, vivace de 15 à 30 cm de hauteur, elle se trouve jusqu’à 1200 m d’altitude plus particulièrement dans les bois de feuillus frais et humides ou dans les haies humides. Sa tige est cylindrique et ses feuilles radiales grisâtres à vert bleuté sont souvent groupées par deux. Chaque tige ne produit qu’une seule fleur qui est d’un blanc éclatant, en forme de cloche pendante de 1 à 2,5 cm, possédant 3 tépales intérieurs courts et rayés de vert au sommet et 3 tépales extérieurs de forme ovale. La floraison est très précoce (avant la fonte des neiges) et peut subvenir dès février.

Seul le bulbe est toxique. Il contient des alcaloïdes polycycliques : la lycorine et la galanthamine.

Lycorine : C16H17NO

lycorine - Bing images

Galanthamine : C17H21NO3

Galantamine — Wikipédia (wikipedia.org)

La lycorine provoque salivation, nausées, diarrhées voire chute de la pression sanguine, vertige et paralysie lorsque la dose absorbée est trop importante. Les premiers signes apparaissent environ 2 heures après l’absorption de 2 bulbes.

La galanthamine quant à elle, provoque des troubles gastro-intestinaux importants, des troubles du système nerveux (vertiges, tremblement, maux de tête) et de l’hypertension artérielle.

Les propriétés toxiques des bulbes de Perce neige ont été décrites pour la première fois par un médecin français du XIXe siècle : « Une femme de la campagne, étant venue vendre au marché, dans une ville d'Allemagne, des oignons de perce-neige pour ceux de ciboulette, toutes les personnes qui en mangèrent furent prises de vomissements qui, d'ailleurs, se calmèrent facilement et ne furent suivis d'aucun accident ». Depuis cette date, les accidents sont fréquents, toujours en confusion avec bulbes d’ail, ciboulette ou oignon. La toxicité du Perce-neige se manifeste par des troubles digestifs, puis par des troubles nerveux (tremblements, sensation de froid) et enfin par des troubles cardiaques avec une chute de la tension et un rythme du cœur ralenti. Le Perce neige peut également provoquer des irritations cutanées lorsqu’il est manipulé sans précaution.

Usage médicinal :

  • Au XIXe siècle, le Perce-neige était utilisé comme vomitif, soin des abcès, anti-inflammatoire.
  • Au siècle suivant, il était utilisé pour le traitement des séquelles de la poliomyélite. En effet, une petite fille bulgare atteinte de poliomyélite a bu par erreur l’eau d’un vase de Perce-neige, son médecin a constaté par la suite une amélioration de l’état de l’enfant, il a ensuite poursuivi des essais cliniques sur des enfants guéris mais présentant des séquelles, les résultats ont été spectaculaires avec une amélioration des fonctions motrices.
  • Et enfin au XXIe siècle, son utilisation pour la maladie d’Alzheimer au stade précoce a été reconnue par son action sur le système cognitif (amélioration de l’attention, de l’apprentissage, de la mémoire et de la concentration). Cependant en raison de sa toxicité, la prise de ce médicament doit être surveillé par les professionnels. De plus, la galanthamine est l’antidote de l’atropine, alcaloïde très toxique. Des protéines végétales (lectines) présentes dans la plante, sont actuellement étudiées en laboratoire, elles auraient un effet inhibiteur de l’infection du VIH.

Le Perce neige dans la mythologie grecque :

Circé, fille d’Hélios et de Perséis, est une déesse vivant sur l’île d’Eéa. Lorsque Ulysse et ses compagnons abordèrent l’île, une vingtaine d’entre eux se laissèrent attirer dans le palais de Circé par une voix harmonieuse, c’est ainsi que Circé les transforma en animal en leur faisant boire un élixir de sa composition. Ulysse, voulant les délivrer, but un antidote préconisé par le dieu Hermès et préparé à partir de bulbes de Perce neige. Circé échoue ainsi à le transformer en porc. Ulysse fit boire à ses compagnons le même antidote qui leur fit retrouver apparence humaine.

Détail d’une coupe : Ulysse donnant le contre poison à ses compagnons. Musée des Beaux-Arts, Boston

Autres légendes sur le Perce neige :

  • D’après la Genèse, Adam et Eve, chassés du jardin d’Eden, furent désespérés par la dureté de l’hiver. Eve, frigorifiée se mit à pleurer et pour la consoler un ange transforma les flocons de neige en Perce neige. Et l’ange dit alors à Eve : « Prends courage, chère Eve, sois pleine d'espoir et ne désespères pas. Que ce petit perce-neige soit pour vous un signe que l'été et le soleil reviendront ». Dans la version anglaise, ce sont les larmes d’Eve qui sont transformées en Perce neige d’où son nom en anglais : Eve’s tears ou Snowdrop.
  • Lors de la Création, tout avait une couleur sauf le vent et la neige. La neige, désespérée, demanda une couleur au Créateur qui lui répondit « demandes à une fleur de te donner une couleur » : personne ne voulut sauf une petite fleur blanche : le Perce neige. C’est pourquoi la neige est blanche.

Dans le langage des fleurs, le Perce neige exprime la sympathie, la pureté, l’optimisme et la vertu. Le Perce neige est la fleur offerte aux jeunes femmes pour célébrer l’arrivée du printemps.

A suivre : le Muguet de mai

Pour en savoir plus :

Georges Becker, Plantes toxiques, Edition Gründ, Paris, 1995

Frantisek Stary, Plantes médicinales, Edition Gründ, Paris 1992

Fleurs familières et méconnues du Massif central, Edition Debaisieux, Beaumont 2000

Guide de la flore de Haute-Loire tome 1, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2008

Guide de la flore de Haute-Loire tome 2, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2010

ANSES, Fiche d’information, Plantes toxiques en cas d’ingestion, Maison-Alfort 2021 (ANSES-Ft-Plantes-toxiques-ingestion-2021.pdf)

Bienvenue sur le site des plantes toxiques (toxiplante.fr)

Plantes Risque (plantes-risque.info)

Microsoft Word - PLANTES TOXIQUES_web*_txtFR.docx (plantentuinmeise.be)

Liste des Plante toxique - Encyclopédie - Conservation Nature (conservation-nature.fr)

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