Quelques plantes toxiques du Massif central Partie XVII : la Digitale pourpre (Digitalis purpurea)
Publié par Jacques Bourgois, le 16 octobre 2025 3
Le nom de digitale vient de la forme de la fleur ressemblant à des doigts. Selon une légende anglaise, les taches que portent les fleurs de digitales proviendraient des traces de doigts laissées par les elfes de la forêt pour nous prévenir de la dangerosité de cette plante.
La digitale pourpre est une plante vivace bisannuelle, la première année apparait une rosette dense de feuilles velues et la seconde année sort de cette rosette une tige feuillée d’une hauteur de 1m à 1,50m pourvue d’une rangée de fleurs pourpres tubulaires tapissées à l’intérieur de poils et de taches plus sombres entourées de blanc. Les fleurs, sans parfum, s’épanouissent en premier à la base de la hampe floral et la floraison débute en juin pour se terminer en septembre. Leur lèvre inférieure est la plus longue et sert de piste d'atterrissage aux insectes notamment aux bourdons assurant ainsi la pollinisation. Elles attirent surtout les bourdons qui assurent la pollinisation. Après la floraison de la seconde année la plante meurt. Elle pousse en clairière ou sur les bordures de chemins forestiers sur sol acide ou siliceux.
L’usage, tant médicinal que toxique, de la digitale semble inconnue dans l’Antiquité. Cependant cette fleur était connue puisque la déesse Flora, touchant le ventre de Junon avec une digitale, fit que cette dernière enfantât des dieux Mars et Vulcain. La digitale a toujours été associée aux fées :
- en Irlande, cette fleur était utilisée pour déjouer le mauvais sort,
- en Scandinavie, les fées avertissaient les renards de l’arrivée des chasseurs en faisant tinter les clochettes de la digitale,
- dans certains contes pour enfants, il est déconseillé aux enfants de toucher les digitales sous peine d’offenser les fées,
- dans d’autres contes, les renards portaient des fleurs de digitale en guise de gants pour pouvoir entrer silencieusement dans les poulaillers,
- la rosée prélevée sur les fleurs de digitale était utilisée pour communiquer avec les fées.
Toute la plante est toxique, elle contient un principe actif nommé digitaline ou digitoxine dérivé du glucose et apparenté aux alcaloïdes. Toute intoxication due à la digitale est considérée comme grave. L’usage médicinal de cette plante remonte au XVIe siècle pour soigner les blessures, cependant bon nombre de patients sont morts plutôt d’une erreur de dosage que de leur maladie. Ce n’est qu’au début du XVIIIe siècle qu’elle fut utilisée pour des maladies précises comme la tuberculose, l’épilepsie ou encore l’hydropisie. A la fin de ce siècle, le médecin anglais William Withering découvrit que la digitale était bénéfique pour soigner certaines insuffisances cardiaques. En 1868, le chimiste français Claude-Adolphe Nativelle isole pour la première fois la digitaline sous forme cristallisée par purification d’extraits alcooliques de feuilles de digitale, ce qui ouvrit la voie à son utilisation médicinale moderne.

Digitaline ou digitoxine : C41H64O13
Les accidents recensés dus à la digitale proviennent de la confusion de cette plante avec la consoude qui se consomme comme les épinards ou la bourrache. Des vomissements sont le premier symptôme de l’intoxication, puis des troubles de la vision surviennent et enfin un abaissement du rythme cardiaque et de la pression artérielle pouvant entraîner la mort. Une infusion de 10 grammes de feuilles sèches ou 40 grammes de feuilles fraiches est mortelle pour l’homme. Notons que la digitale a été employée comme diurétique, elle entre dans la composition du ‘Vin de l’Ostel Dieu’ : à boire avec modération, 1 verre à liqueur par jour avant le repas de midi !
Si la digitale est reconnue pour ses propriétés tonicardiaques, son usage est limité du fait de la difficulté à déterminer le bon dosage pour le patient concerné. A la suite de la découverte de la digitaline en 1775, ce principe actif est largement utilisé dans la pharmacopée La marge entre la dose toxique et la dose thérapeutique est très faible, aussi ce médicament doit être administré sous étroite surveillance. Il est utilisé en cas d’insuffisance cardiaque, il renforme les contractions du cœur, ralentit la fréquence cardiaque et augmente l’excitabilité du myocarde.
La synthèse chimique de la digitaline étant très compliquée et onéreuse, ce principe actif est produit industriellement à partir des feuilles réduites en poudre de digitale pourpre ou de digitale laineuse pour en extraire le principe actif. Face à la demande en digitaline, la culture des digitales a été organisée notamment aux Pays-Bas et en France pour répondre aux besoins pharmaceutiques.
Du fait de sa rusticité, de son entretien aisé et de sa floraison prolongée, la digitale est largement plantée dans les jardins ou parcs comme plante ornementale … donc prudence notamment avec les enfants. Peut être faudrait-il renouer avec les contes pour enfants qui racontent que cueillir des digitales offense les fées, tactique qui faisait éloigner les enfants de ces fleurs magnifiques mais toxiques.
Une légende … sans doute fausse : la digitale et la période jaune de Van Gogh. Vincent Van Gogh a peint, en 1890, le docteur Gachet une fleur de digitale à la main. Une légende veut que le docteur Gachet lui aurait prescrit de la digitale pour le guérir de sa folie...la preuve : un effet secondaire de la digitale est une coloration de la vision en jaune, d’où sa période jaune (« Les tournesols », « La maison jaune », …). Or, Vincent habitait en Arles après sa période jaune, l’explication est donc ailleurs et sans doute dans sa consommation excessive d’absinthe qui occasionne des troubles visuels (la xanthopsie due à la thuyone, terpène présent dans la ‘fée verte’) qui amènent à voir les objets en jaune.
Langage des fleurs : la digitale signifie l'ambition, mais en l'offrant à quelqu'un(e) vous dites "Je ne suis pas ambitieux pour moi même mais je suis ambitieux pour toi"
Pour en savoir plus :
Georges Becker, Plantes toxiques, Edition Gründ, Paris, 1995
Frantisek Stary, Plantes médicinales, Edition Gründ, Paris 1992
Fleurs familières et méconnues du Massif central, Edition Debaisieux, Beaumont 2000
Guide de la flore de Haute-Loire tome 1, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2008
Guide de la flore de Haute-Loire tome 2, Edition Jeanne-d’Arc, Le Puy-en-Velay, 2010
ANSES, Fiche d’information, Plantes toxiques en cas d’ingestion, Maison-Alfort 2021 (ANSES-Ft-Plantes-toxiques-ingestion-2021.pdf)
Bienvenue sur le site des plantes toxiques (toxiplante.fr)
Plantes Risque (plantes-risque.info)
Microsoft Word - PLANTES TOXIQUES_web*_txtFR.docx (plantentuinmeise.be)
Liste des Plante toxique - Encyclopédie - Conservation Nature (conservation-nature.fr)