8 avril 2020 - Expérience de travail en mode confiné…

Publié par Nadine Dubruc, le 9 avril 2020   1.6k

Je m’appelle Nadine Dubruc et je suis enseignante-chercheur en Sciences Humaines et Sociales à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. Aujourd’hui, mercredi 8 avril 2020, alors que nous en sommes au 24ème jour de confinement, j’ai eu envie d’apporter mon témoignage sur cette expérience si particulière à laquelle nous devons nous adapter y compris en pratiquant le télétravail chaque jour et sur un temps long…

Expérience de travail en mode confiné*…

Je pourrais presque dire que mon expérience du confinement a commencé à Noël. Les enfants nous ont offert un voyage à Venise et nous avons choisi d’y aller pendant le carnaval du 16 au 21 février 2020. Nous avons pu profiter normalement de notre séjour. Au retour, l’annonce tombe au 3ème jour de reprise. Un mail du secrétaire général invite les personnes qui reviennent de différentes régions dont l’Italie à observer une quatorzaine. Je contacte mon service RH et une heure après, je prends mes affaires pour rentrer chez moi pour télétravailler à temps plein. Pendant cette période-là, c’est étrange, je suis confinée avec mon conjoint mais le reste du monde continue de travailler comme si de rien n’était… Alors que nous sommes en train de protéger notre environnement d’une possible contamination, les remarques des collègues laissent parfois penser que nous sommes malades… Alors que nous n’avons aucun symptôme. Le travail continue… J’ai pu faire toutes les réunions prévues à mon agenda : par téléphone, par skype, par hangout… Je commence à tester le travail à distance. Mais je suis la seule confinée, les autres sont au bureau… Pendant cette période, j’ai apprécié les mails des services RH et de mes collègues qui prennent de mes nouvelles. Je reprends le travail normalement le 9 mars… pour une semaine. Je n’avais pas de cours sur cette période. Je n’ai donc rien annulé, reporté. J’ai pu tout faire à distance. La chance peut-être d’avoir déjà chez moi un poste déjà adapté car je télétravaille deux jours par semaine à domicile depuis le mois de septembre 2019.

Venise 2020

La semaine où je reprends est la semaine de la prise de conscience d’une nécessité d’un confinement. L’exemple de l’Italie ne nous laisse peu d’autres alternatives. Cependant, je vois bien chez les collègues différentes façons d’appréhender l’épidémie du Covid19. Certains n’y croit pas, d’autres dramatisent… tout une palette de réactions… Mais le vendredi nous prenons nos affaires avec l’idée que l’on allait télétravailler deux semaines… Et nous voilà au 24ème jour de confinement avec une perspective de poursuite pour encore quelques semaines….

Alors quels sont les éléments qui m’ont permis d’assurer la continuité de services pour l’enseignement, la recherche et autres projets ?

Tout d’abord, je dois dire que la communication institutionnelle, engagée très tôt par la direction de l’Ecole a été primordiale. La communication de la direction de l’Ecole a commencé tôt. Dès le 4 février, un mail du secrétaire général nous alerte sur les déplacements en Chine, avec des consignes à l’attention de tous, tant personnels qu’élèves. Le 26 février tombe le deuxième mail avec les consignes de quatorzaine pour les personnes revenant de Chine, de Singapour et de l’Italie. Le 03 mars, un troisième mail demande l’annulation des déplacements et élargit les régions aux clusters français, zones françaises où des cas de corona ont été diagnostiqués. Le 12 mars, nous recevons un mail du secrétaire général annonçant la création d’une page web dédiée à l’information sur l’épidémie de coronavirus. Le lendemain, 13 mars, il nous annonce la mise en place d’une cellule de crise suite aux annonces du Président de la République. En fin de journée, nous sommes informés de la fermeture de l’école aux élèves à compter du lundi suivant. Pascal Ray, le directeur prend ensuite la relève et institue des mails quasi journaliers au départ pour accompagner la fermeture de l’établissement. Ces mails informatifs et bienveillants posent un cadre et sont rassurants. Ils rappellent le sens de la mission de l’Ecole et motive pour en assurer la continuité.

Cependant, travailler à distance ne peut se faire que si nous ne nous retrouvons pas seuls à le faire… Ainsi garder des contacts avec les collègues est essentiel. Pour ma part, cela s’est fait de différentes façons : en réalisant les réunions par skype, BigBlueButton, Zoom, hangout… et en instituant d’autres moments informels, juste pour tchater avec skype ou avec Whatsapp. Un collègue a lancé un journal du confinement envoyé chaque jour … Le maintien du lien entre collègues ne peut pas passer que par des mails… Quel soulagement de pouvoir se dire de vive voix que l’on partage les mêmes baisses de régime et que l’on trouve dur le rythme des réunions et des cours à distance ! Organiser des moments d’échanges informels est important pour tenir le rythme du travail.

Bureau de travail en mode confiné

Pour la continuité pédagogique, la direction de la Formation et les Enseignants-chercheurs ont fait en sorte que la deuxième semaine du confinement se déroule selon les plannings prévus à l’emploi du temps. L’outil Zoom a été choisi. Des formations (temps d’essai, webinaires, séminaire avec un spécialiste des sciences de l’éducation…) se sont déployées. Depuis 15 jours, en fin de semaine, une réunion de partage d’expériences est proposée.

Enfin, je tiens à signaler une initiative particulière du Comité de suivi de la QVT, soutenue par la DRH : la création d’un fil de discussion avec un espace café et autres salles virtuelles : bureau, cuisine, ludothèque, salle de sports, espaces verts et balcons... Des lieux virtuels où sont déposés conseils et partages d’expérience sur le travail à distance, des photos, des morceaux de musique, des petits bonjours. Au 8 avril, 231 inscrits visitent le café virtuel plus ou moins régulièrement. Directeur, Ingénieurs de recherche, assistantes, enseignant-chercheurs, techniciens s’y retrouvent.

Le bureau de l'espace QVT sur Mattermost

Les outils numériques occupent une place importante dans cette crise et se sont déployés à vitesse grand V… Mais ne risque-t-on pas de laisser des personnes sur le bord de la route du travail à distance ?

Et quels sont aussi les autres éléments de mon contexte qui permettent de continuer à avancer dans ce doute ambiant et ce contexte pas toujours très gai… Le plus dur au départ a été de vouloir faire comme si … On continuait normalement mais non… Utiliser des outils pour tout, y compris les échanges sociaux fatiguent et crée des moments de saturation… Et en même temps, les temps d’échanges avec les collègues, les dates de travail qui se calent dans l’agenda aident à poursuivre l’activité, comme c’est le cas habituellement … Avoir autour de soi des personnes qui maintiennent également un rythme pour suivre des études, échanger avec sa famille et ses amis différemment mais plus régulièrement, se lancer dans de nouvelles activités à distance avec ses proches sont autant d’éléments porteurs.

Pour la suite, j’aspire à moins de pression, moins de temps de gestion de la crise, et plus de temps de réflexion sereins et apaisés… pour pouvoir commencer à réfléchir sur l’après…

 

* Une version courte de ce texte sera publiée dans un dossier spécial de l'AGERA (Alliance des Grandes Ecoles Rhône-Alpes Auvergne)