Penser l’accueil pour différentes pratiques de médiation : une tournée science, culture et numérique en Ile-de-France
Publié par Raphaëlle Jarrige, le 13 novembre 2017 2.5k
Nous avions en tout et pour tout une journée et demie pour aller à la rencontre de lieux et d’initiatives inspirantes où la culture scientifique est mise à la portée de jeunes.
Ce que nous recherchions ? Des structures dédiées à l’accueil d’un public scolaire et d’enseignant.es pour expérimenter la démarche scientifique, développer la culture du numérique, démystifier la technologie et, le tout, si possible à la sauce Maker.
Autant dire que de nombreuses structures franciliennes nous faisaient de l’œil. Mais le temps nous était compté alors nous avons ciblé 4 lieux pour 4 identités différentes : la MISS pour son souhait d’ouvrir le monde de la recherche aux 8-14, l’Exploradôme pour ses 20 ans d’expériences sur la pédagogie aux nouvelles technologies, La Fabrique pour l’ouverture récente de son atelier créatif 2.0 dédié aux 9-12 ans et le Carrefour Numérique2 pour son FabLab2 collaboratif et militant.
Retour sur ces quatre visites franciliennes où sciences, numérique, esprit maker et agitateur de curiosité constituent l’ADN de nos hôtes !
LA MISS
Maison d’Initiation et de Sensibilisation aux Sciences – Université Paris Saclay, Région IdF, Université Paris-Sud, CNRS
Lundi matin, direction Bures-sur-Yvette et plus précisément le bâtiment 204 du campus de la Faculté des sciences d’Orsay.
Après deux années « hors les murs », la MISS prend ses quartiers au cœur d’un environnement totalement dédié à la recherche et à l’enseignement.
Nous sommes accueillis par Valérie Fortuna, coordinatrice scientifique du projet, dans une ambiance de chantier où les derniers ajustements sont en cours avant l’ouverture de la MISS aux classes d’ici quelques semaines.
Cette temporalité est idéale pour nous, et c’est une chance de voir un bâtiment en cours de finalisation, d’échanger sur le projet scientifique avant la confrontation avec le public, de discuter des choix scénographiques et de partager l’expérience d’assistant maitrise d’ouvrage.
La MISS est le lieu incontournable pour éveiller les scolaires au monde de la recherche. Ici tout est conçu et pensé pour plonger les élèves de primaire et de collège dans la peau d’apprenti.es scientifiques.
Le bâtiment de 900m2 permet une répartition sur deux étages d’espaces de travail pour le personnel et les médiat.eur.rices, de véritables laboratoires de recherche, de salles d’ateliers, d’une salle hors sac, d’un mini amphi et de lieux de stockage. Le tout desservi via un grand hall d’accueil en double hauteur sous plafond et très lumineux.
Porté par l’agence de scénographie Klapisch-Claisse, l’identité du lieu est forte. Chaque pièce a sa couleur, le mobilier est designé spécialement pour faciliter les futurs usages et de nombreuses curiosités et clins d’œil scientifiques ponctuent le bâtiment. Si le mobilier n’a pas été imaginé modulable, il offre la possibilité d’éprouver le travail en laboratoire. De grandes tables de type paillasses sont disposées dans les salles de manips permettant d’accueillir 6 à 8 enfants chacune, et un ilot central est utilisé pour les démonstrations.
Les deux salles de manips sont dédiées à des thématiques différentes : La salle d’expérimentation « sèche » qui accueille plutôt des ateliers de mathématiques, de physique, d’archéologie, etc ; et la salle d’expérimentation « humide » qui évoque l’univers d’un laboratoire de chimie ou de biologie.
Concernant le fonctionnement, les ateliers sont animés principalement par des doctorant.e.s qui effectuent, au même titre que des heures de monitorat, leur mission doctorale. Cela assure ainsi une capacité d’accueil importante et des animations en prise directe avec le monde de la recherche. Une assistante ingénieure est détachée en mi-temps par l’université pour garantir la bonne marche des différents ateliers scientifiques et pour continuer d’en concevoir de nouveaux.
Le projet est en maturation depuis 2013, où de nombreux universitaires, doctorant.e.s travaillent à la réalisation des ateliers et séquences pédagogiques. Ils ont été accompagnés par 2 enseignant.e.s de l’éducation nationale mis à disposition par l’académie de Versailles. Depuis 2015, les contenus sont testés par des classes volontaires. Les partenariats, le savoir-faire et les pratiques expérimentées ont ainsi permis d’imaginer un lieu totalement adapté aux futurs usages et notamment à l’accueil d’un public scolaire.
Nos coups de cœurs :
la vidéo d’accueil par les deux parrains Jamy Gourmaud et Wendelin Werner sur l’égalité face à la science, la méthode d’investigation et l’importance de la recherche dans la société / Le mur qui met à l’honneur les femmes et hommes scientifiques / La scénographie / Le lien étroit avec le monde de la recherche
L’espace Numérique de l’Exploradôme
Association Savoir Apprendre - Vitry sur Seine
En début d’après-midi, changement de département pour aller en direction de Vitry sur Seine à la rencontre de Nicolas Mangeot à la tête du pôle numérique de l’Exploradôme.
Il est vrai que dans le réseau de la culture scientifique, la réputation de l’Exploradôme en matière de nouvelles technos et de médiation au numérique n’est pas à faire. Il nous tardait donc de découvrir concrètement les lieux, l’équipement, le contenu des ateliers et le fonctionnement de l’équipe numérique.
Nous profitons du retard d’un groupe de jeunes, qui vient faire un atelier light painting, pour découvrir la salle numérique. Elle se trouve au premier étage du bâtiment. L’espace est assez simple. Il est composé d’une quinzaine de postes d’ordinateurs disposés sur des tables à roulettes. Ici tout est adaptable mais d’expérience, c’est la disposition du jour qui est la plus souvent adoptée permettant ainsi au médiat.eur.rice d’avoir une vue sur l’ensemble du groupe.
A part les ordinateurs, l’équipement en machine est plutôt léger : une imprimante 3D, une découpe vinyle Curio, quelques robots Tymio, etc…
Sous cette ambiance sobre, loin de ce que nous pouvons fantasmer d’un Fablab, nous devinons rapidement la véritable force de frappe de l’Exploradôme : ses ateliers !
Quatre médiat.eur.rices numériques forment une équipe stable, hyper efficace, passionnée et réactive. Ils imaginent, ré-inventent, perfectionnent en continu un ensemble de 80 ateliers pour tous les publics sur des thématiques aussi diverses que la découverte du code, retouche image, robotique, utilisation du smartphone, film d’animation en stop motion, light painting, modélisation sonores, réalisation de roman photo, etc. L’objectif ici est que le public s’initie au numérique et à internet, développe des réflexes de sécurité face au monde du cyber espace et s’approprie le fonctionnement des logiciels pour des usages quotidiens. L’espace numérique fonctionne réellement comme un lieu de recherche pédagogique pour les nouvelles applications des TUIC (Technologies Usuelles de l’Information et de la Communication). A chaque idée, un atelier est conçu puis testé en amont en face public.
Et ce qu’il se passe dans les locaux de l’exploradôme est totalement transposable en hors les murs grâce une flotte de 12 iBooK dans des valises prêtes à investir des classes, des médiathèques, des formations pour des professionnel.le.s du monde de l’éducation, des festivals, etc.
Nos coups de cœur :
Force de frappe / Diversité des ateliers numériques / Les partenariats forts avec des acteurs de l’innovation technologique / L’expertise sur la pédagogie au numérique et la formation de professionnel.les
La Fabrique
Atelier des enfants du Centre Pompidou - Paris
En fin de journée nous sautons dans le bus en direction du centre d’art Georges Pompidou à la découverte du tout nouveau lieu de création pour les 9-12 ans qui s’inspire de la philosophie FabLab : La Fabrique.
Ce nouvel espace vient compléter l’offre proposée au sein de l’Atelier des enfants, et invite les jeunes à faire l’expérience de la création via l’utilisation de machines et matériaux Fablab.
Si le cœur du projet parait certes plus éloigné de notre réseau de culture scientifique (mais pas de la démarche !) nous voulions voir comment La Fabrique a rendu accessible la chaine de production du FabLab à cette tranche d’âge.
Nous rencontrons Alexandra Fortoul, chef de projet prospective et nouveaux concepts du Service de la médiation culturelle du musée. Ensemble, nous nous rendons directement à la Fabrique situé au sous-sol du musée.
Après une journée d’animation, le lieu semble calme mais les dessins accrochés aux murs et le bazar ambiant semble indiquer que les esprits ont chauffé toute l’après-midi. La Fabrique est une salle très lumineuse et épurée. L’espace n’est pas très grand mais bien adapté pour un groupe d’une douzaine d’enfants. D’un côté, un long mur noir vient accueillir les machines, les outils et un écran ; de l’autre côté, un long placard de rangement vient épouser la forme courbe du mur et permet de servir de support à de la documentation. Notre regard est rapidement porté vers un étrange mobilier coloré complétement adaptable, transformable, rangeable qui confère une ambiance DiY en accord avec l’esprit du lieu.
Le concept imaginé est d’inviter chaque trimestre un.e artiste contemporain en résidence. L’artiste conçoit les ateliers et collabore avec l’équipe de la Fabrique pour la réalisation du projet.
La technologie numérique se retrouve au cœur du dispositif créatif et se veut propulseur d’inspiration. On retrouve les machines traditionnelles d’un FabLab : stylos 3D, découpe laser trotec (accompagnée de casques anti-bruit), imprimante 3D, scanner 3D, découpe vinyle , machine à coudre, des logiciels de modélisation… mais également, de la peinture conductrice, des encres phosphorescentes, du matériel classique de petit bricolage.
Si les jeunes ont accès au fonctionnement des machines, l’objectif principal n’est pas de les laisser les manipuler. La fabmanager est à disposition pour matérialiser leur projet en direct, les jeunes pouvant ainsi se consacrer pleinement à la création.
Dans un esprit de partage, La Fabrique œuvre à documenter les ateliers à partir de ce qui s’est passé avec le groupe précédent et de leur dialogue avec l’artiste. C’est donc bien une œuvre collective qui s’opère ici et les traces de chacune des étapes de création et de réflexion sont archivées dans un blog et sur de longs murs blancs de la Fabrique.
Nos coups de cœurs :
Ici, on laisse ce qu’on fait pour les autres ! / Le mobilier coloré dessiné par le designer Romain Guillet / La proposition de résidence et le dialogue entre jeunes et artiste / le duo animateur.trice + fabmanageur
FabLab du Carrefour numérique²
La cité des sciences - Paris
Le lendemain matin, nous nous rendons chez nos collègues de la cité des sciences pour découvrir le Carrefour numérique et ses 1 200 m2 totalement dédiés à la mise en commun des connaissances, l’entraide et la convivialité… le tout en mode méga FabLab et totalement Open Access !
C’est bien ce changement d’échelle par rapport au trois sites précédents qui nous intriguait, et de plus, intégré au cœur du projet d’un centre de culture scientifique technique et industrielle : la cité des sciences.
Nous ne boudons pas notre plaisir d’être accueillie par une médiatrice qui porte haut les valeurs du libre et de l’éducation populaire, Mélissa Richard.
Le FabLab de 200 m2 se situe dans le carrefour numérique, vaste plateforme incluant également un Living Lab, une classe numérique, une agora, un studio, une salle d’ordi et un immense hall pouvant accueillir des évènements. Via une grande baie vitrée, nous apercevons la première des deux salles de l’atelier de fabrication. Cette transparence attise la curiosité nous invite à passer la porte de ce Fab Lab.
Dans cette première pièce, de grandes tables à roulettes de type établi d’ateliers occupent le centre. C’est en périphérie que nous retrouvons les nombreuses machines numériques : imprimantes 3D ultimaker (fiable, simple d’utilisation, et prise en main facile), découpeuse vinyle Roland (rapide, utilisation multiples, etc.), de nombreux ordinateurs, un coin couture avec brodeuse à commande numérique, un coin électronique, du matériel de petit bricolage, des kits arduino, etc. Deux grands écrans sont accrochés au mur et permettent aux participants de se réunir pour des temps d’échange et de restitution. Un petit coin café apporte une note chaleureuse à l’ensemble.
La seconde salle est quant à elle dédiée aux machines bruyantes et émettrices de particules dangereuses avec un accès restreint pour des raisons de sécurité : découpeuses laser trotec, tour numérique, fraiseuses, scie, perceuses à colonnes, et petit outillage (scie, perceuse, ponceuse), etc.
Le fabLab est ouvert à tous. Deux membres de l’équipe sont présents en permanence et se fondent dans le groupe laissant ainsi volontiers la place au participant qui souhaite transmettre et guider le nouveau venu. Cette horizontalité a de nombreuses vertus et Mélissa nous partage leur réflexion sur la réception de ce genre d’espace par des publics moins avertis à la technique et au numérique (public éloigné des sciences, les 15-25 ans, les femmes) .
En revanche, après avoir passé les portes et engagé une première réalisation, la technique apparaît alors comme un vecteur de lien social et de confiance (en soi, aux autres et dans les machines).Nos coups de cœurs :
le matériel et mobilier fabriqué par les usagers / le tri sélectif des composants / l’espace divisé en deux / la diversité de l’équipement / l’équipe militante
Retour à la Rotonde*
Alors que résonnent encore en nous les retours de nos différent.es interlocut.eur.rices, il est déjà l’heure de reprendre la route vers Saint-Etienne. Le trajet du retour est l’occasion de discuter de tous les liens que nous pouvons faire avec notre futur projet : un parc et un bâtiment dédié aux sciences au cœur du quartier Tarentaize Beaubrun de Saint-Etienne, et que la Ville ouvrira en 2019. Nul doute que tous ces témoignages vont continuer à nous inspirer !
Un grand merci à toutes les personnes qui nous ont accueilli et pour ce partage d’expériences en mode Creative Commons !
Céline & Raphaëlle
*CCSTI La Rotonde