Epidémie de Fake News
Publié par Echoscience Loire, le 27 avril 2020 4.4k
Epidémie de Fake News
D'où viennent les Fake News ? Comment repérer les infox ?
Écrit par La Rotonde
Face à la situation sanitaire grave que traverse actuellement le monde, La Rotonde a décidé de faire la lumière sur les “fake news”, ces fausses informations virales, qui se répandent dans la population.
Qu’est-ce qu’une fake news ? Pourquoi le domaine de la santé est-il si propice à leur propagation ? Comment les repérer et éviter de les diffuser ? Chaque citoyen.ne, chaque internaute est responsable de la propagation ou de la lutte contre les fake news. Si Rabelais avait raison en écrivant que l’ignorance est mère de tous les maux, alors il est du devoir commun de mettre au placard paresse cognitive et naïveté pour prendre les armes contre la propagation des fake news, et cela commence par la connaissance des mécanismes qui mènent à leur propagation.
1. Qu’est-ce qu’une fake news ?
Les fake news (“infox” en français) sont des informations mensongères, délivrées par un ou plusieurs auteurs, dans le but de tromper et de manipuler leur auditoire, en vue d’obtenir des avantages (financiers, politiques…). On les distingue des fausses informations qui auraient été transmises par erreur, car elles sont construites et lancées par leur(s) auteur(s) avec l’intention de tromper. Mais pourquoi tromper volontairement en diffusant une infox ? L’un des objectifs des lanceurs de fake news est sans hésitation financier. Pour le comprendre, on peut citer le groupe d’adolescents qui, pendant les dernières élections présidentielles américaines, ont ouvert un prétendu site internet d'information. En réalité, le site ne diffusait que des fake news racoleuses, dans le but de faire cliquer le public pour consulter la page. A chaque clic, les publicités habilement placées sur la page rapportaient quelques dollars aux adolescents.
Bien sûr, on peut également parler de l’objectif politique des fake news, qui ne date pas d’hier.
"La fabrication de faits n'est pas quelque chose d'exceptionnel, et, depuis l'Antiquité, l'on retrouve tout au long de l'Histoire l'équivalent des textes et tweets venimeux que l'on observe aujourd'hui", relevait l'historien Robert Darnton, directeur de la bibliothèque de Harvard, dans une tribune au Monde. Pendant la Révolution française, une campagne de propagande contre Marie-Antoinette "contribua certainement à la haine pathologique qui se développa à l'égard de la reine, et qui conduisit à son exécution le 16 octobre 1793".
Pourquoi les fake news se propagent ?
A l’ère d’internet et des réseaux sociaux, la viralité des fake news est à son paroxysme, de par la facilité, la rapidité, et l’étendue avec laquelle une information peut être partagée. De plus, les internautes n’étant pas soumis comme les journalistes à la vérification des faits, les contenus partagés sur la toile sont en immense majorité non vérifiés. Ces critères font d’internet, et en particulier des réseaux sociaux, un paradis pour les lanceurs de fake news.
Une première explication à la propagation de fake news repose sur la surabondance d’information. Dans un flux d’information aussi dense que celui des réseaux sociaux, les propos mensongers sont rapidement noyés, et donc plus difficiles à cerner. Une infox, même démentie par les experts ou grandes instances, pourra facilement passer comme une information parmi d’autres, et participera même parfois à la méfiance du public envers ces experts et instances.
Cette méfiance est le second levier utilisé par les fake news : leur diffusion croît particulièrement lorsque la confiance envers les communautés d’experts et les élites dirigeantes diminue. En effet, la méfiance envers ces communautés altère les repères, et pousse les individus à juger seuls de la véracité des faits auxquels ils sont confrontés. Ce doute pousse alors les personnes, et en particulier celles qui seraient enclines à la naïveté ou au complotisme, à diffuser ces contenus, pourtant démentis par les experts. Bien entendu, le plus souvent, ces partages d’informations sont le fruit de bonnes intentions, de la part de personnes qui jugent que ces faits importants méritent d’être diffusés à leur entourage. Ainsi, au départ d’une motivation légitime, la propagation de la fake news continue.
Le troisième point sur lequel s’appuie la fake news est l’effet de masse, ou “effet de vérité illusoire” : qui n’a jamais pensé que “tout le monde le dit, donc ça doit être vrai” ?. Cette pensée traduit un phénomène réel : plus l’information est relayée, plus elle est perçue comme probablement vraie par le public. Ainsi, plus la fake news est diffusée, plus elle devient difficile à identifier comme fausse, et plus sa diffusion s’intensifie.
Un dernier point important concerne les bulles de filtre apposées par les réseaux sociaux sur les contenus auxquels nous avons accès. Le phénomène de “recherche personnalisée” a été mis en place pour répondre aux attentes des internautes. Les moteurs de recherche prennent en compte la localisation, l'historique, et les intérêts de l'utilisateur pour augmenter la pertinence de leurs recherches. Des utilisateurs partageant des intérêts communs se retrouvent donc regroupés dans les mêmes sphères, créant un phénomène de chambre d'écho et favorisant le partage d'informations dans ces groupes. Ces phénomènes enferment les utilisateurs en les confrontant uniquement à des idées auxquelles ils adhèrent déjà, et par conséquent, un internaute qui consulte régulièrement, consciemment ou non, des fake news, se verra rapidement submergé de propositions du même type.
Dans ce cadre propice à la propagation massive et quasi-instantanée de fausses informations, il est donc nécessaire de porter attention aux contenus que l’on rencontre, et au crédit qu’on leur accorde.
Sommes-nous tous égaux face aux fake news ?
Dans une étude publiée dans Science Advances, des chercheurs ont montré que pendant les élections présidentielles américaines de 2016, les plus de 65 ans partageraient sept fois plus de fake news que les 18-29 ans, tous autres critères sociaux confondus. Bien que cette étude n’ait porté que sur la population américaine, les auteurs avancent un modèle dans lequel les seniors seraient plus enclins à propager des fake news que les jeunes.
Une seconde étude, menée sur des étudiants universitaires chinois, a mis en lumière d’autres facteurs influençant la propension à croire et diffuser des fake news. Premièrement, l’évitement du danger : être anxieux amènerait à croire moins facilement une fausse information. Deuxièmement, la coopération : les sujets coopératifs, empathiques ou en recherche constante d’approbation sociale semblent plus enclins à croire les fake news. Enfin, l’autodétermination : les individus pensant avoir une bonne mémoire des informations seraient plus vulnérables aux fake news, car plus enclins à se fier à des suggestions provenant d'autrui plutôt que de donner l'impression de ne pas avoir une bonne mémoire.
Ces études, pouvant être qualifiées de préliminaires, devront être complétées par des études plus généralisées, qui pourraient mettre en lumière d’autres facteurs influençant la tendance à croire et propager des fake news, tels que la classe sociale, le niveau d’études, l’appartenance à un bord politique, le milieu de vie rural ou urbain, etc.
2. Pourquoi le domaine de la santé est-il si propice à la diffusion de fake news ?
Près de la moitié des fake news qui circulent ont de près ou de loin trait à la santé. Pourquoi sont-elles si présentes dans ce domaine ?
S’il est un domaine qui touche tou.tes et chacun.e de nous, qui est commun à tous les humains, c’est la santé. Les sujets qui y sont liés sont particulièrement sensibles, car ils touchent à notre intimité, notre vulnérabilité, et nous replacent face à nos craintes de la maladie et de la mort. Tous les publics et toutes les franges de la population sont intéressés et se sentent concernés par les sujets liés à la santé. Ainsi, ce domaine est un terreau fertile pour la naissance et la propagation de fausses informations. De plus, les sujets gravitant autour de scandales sanitaires sont particulièrement relayés et traités par les médias, ce qui alimente probablement le sentiment diffus de méfiance désormais ancré dans les populations.
L’un des exemples les plus frappants de ce phénomène est probablement l’affaire Wakefield. L’ex-chirurgien du même nom avait publié en 1998 dans le très renommé journal The Lancet un article établissant un lien entre un vaccin et certains troubles autistiques. Et bien qu’il ait été montré que ces données étaient falsifiées (et qu’Andrew Wakefield était en lien étroit avec des lobbies anti-vaccins), la fausse information avait déjà fait des ravages, semant le doute sur les vaccins en général. Cette affaire a entraîné la méfiance du public face aux vaccins, et a questionné les notions d’éthique et d’intégrité scientifique. Aujourd’hui encore, certains arguments dans les débats autour des vaccins citent cette étude, comptant sur la crédulité ou l’ignorance des personnes ciblées par ces discours.
Cette affaire montre qu’au-delà de la désinformation, les fake news sont de réels dangers, à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, ce doute grandissant et cette méfiance accrue envers les scientifiques, associée à l’ignorance du public face à certains sujets complexes, mène inévitablement une part de la population à croire aux théories selon lesquelles la communauté scientifique et le gouvernement ne seraient pas honnêtes en tous points.
L’Ifop (Institut français d'opinion publique) révélait en 2017 que les Français sont d’accord à 32% avec le fait que le VIH est un virus créé en laboratoire qui aurait été testé sur la population africaine avant de se répandre dans le monde, et à 55% avec le fait que le ministère de la Santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins. Plus récemment, l’Ifop révélait que 26% des français (contre 29% des Américains) pensent que le nouveau coronavirus a été fabriqué en laboratoire, et que cela a été fait “intentionnellement” pour 17% des Français.
Et derrière cette méfiance envers la communauté scientifique, peuvent se cacher des comportements à risque. En effet, les fausses informations peuvent apporter des solutions dangereuses à des problèmes réels, en proposant des traitements inadéquats à des pathologies, qui restent ainsi non traitées ou trop tardivement diagnostiquées, conduisant à une véritable réduction des chances de guérison et/ou de survie.
Enfin, il existe un risque réel de participer à l’attirance de personnes dans des groupes à caractère sectaire : le domaine de la santé représente 46% des signalements de dérive sectaire, et ce nombre est en croissance constante depuis 2010. Une attention toute particulière au phénomène de diffusion des fausses informations dans le domaine de la santé doit donc être apportée, par les autorités gouvernementales mais aussi et surtout par chaque citoyen.
3. Comment repérer et éviter la diffusion de fake news ?
Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, une vague parallèle de fausses informations déferle, qualifiée d’"infodémie massive" par l'Organisation Mondiale de la Santé. Comment repérer ces fake news, et comment éviter de les diffuser ?
Pour se protéger et protéger vos proches de ces fausses informations anxiogènes et qui alimentent l’état de panique général de la population, l’esprit critique sera votre meilleure arme. Creusez, réfléchissez, raisonnez. D’où vient cette information, qui me l’a transmise, la source est-elle fiable, sont tant de questions auxquelles il vous faudra trouver une réponse, pour dissocier le vrai du faux dans le flot quotidien d'informations que nous rencontrons.
Mais n’est pas Sherlock Holmes qui veut. Aussi, nous avons revêtu notre tenue d’inspecteur, afin de dénicher quelques outils pour mieux repérer et éviter les fake news. En voici quelques uns.
1. Méfiez-vous du bouche à oreille
La première question à se poser, lorsqu’on reçoit une information, est “comment cette information m’est-elle parvenue ?”. J'ai reçu un texto d’une cousine qui a un ami qui est stagiaire dans un cabinet médical, et qui a vu sur une page Facebook que…
Plus la route entre l’information source et vous est longue, plus il y a de chances d’en douter. En effet, l’une des armes de la rumeur est le nombre de personnes qui y contribuent, et comme le jeu du “téléphone arabe”, plus vous recevez l’information loin dans la chaîne, plus elle a de risques d’être fausse ou déformée. Et comme l’explique l’excellent chercheur en sciences cognitives et youtuber Mehdi Moussaïd de la chaîne Fouloscopie, les réseaux sociaux sont un terrain extrêmement propice à la propagation de rumeurs et de fake news.
Privilégiez des informations reçues directement et sans intermédiaire, depuis des media sérieux et reconnus comme tels : Organisation Mondiale de la Santé, site du gouvernement, média d’information comme franceinfo.fr, Le Monde, France 2, France Inter…
L'une des dernières fake news les plus virales à propos du coronavirus énumérait une série de conseils (totalement inefficaces) sur la manière de se protéger du virus. Cette infox, s'est propagée sous forme de chaîne de mails et de messages sur les réseaux sociaux.
2. Regardez au-delà du titre
Le premier challenge d’une fake news, c’est de faire en sorte que vous la consultiez. Et qu’est-ce qui donne plus envie de cliquer pour en savoir plus qu’un titre sensationnel ? Souvent, la fake news commencera par un titre racoleur. Il sera parfois écrit en majuscules, parfois avec des points d’exclamation, ou des formulations qui donnent le frisson, telles que “DES CHERCHEURS TROUVENT UN REMÈDE MIRACLE CONTRE LE CANCER !!!”.
Nous ne devrions jamais prendre pour vrai un titre d’article sans en lire le contenu, mais cela est particulièrement vrai pour des informations livrées derrière un tel titre. Face à un appel au clic tel que “Le virus se propage aussi par l’eau, bannissez l’eau du robinet !!!”, la méfiance est de mise.
Le meilleur réflexe, pour savoir si l’information est vraie, est de lire l’intégralité de l’article.
3. Identifiez la source de l’information
Si vous décidez que l’article mérite votre attention, trois points essentiels sont à considérer : qui l’a écrit, sur quel site, et quand ?
Face à une information signée par un éminent spécialiste de la physique quantique, vous pouvez légitimement vous demander qui est cet auteur qui semble savoir mieux que quiconque de quoi il parle. Vous pouvez chercher son nom, son laboratoire, ou l’établissement cité dans un moteur de recherche, et vérifier que l’auteur de l'information est une source qui existe et qui est fiable.
Le second point à explorer pour vérifier la fiabilité d’une information est de vérifier la fiabilité du site qui l’héberge.
En septembre 2019, un journal en ligne titrait : “Donald Trump veut envoyer une mission habitée sur la face cachée du Soleil”. Information cruciale sur la conquête spatiale, ou infox montée de toute pièce ? Une petite recherche a suffi pour découvrir que cet article avait été rédigé par Le Gorafi, journal de satire qui publie de fausses informations dans le but de faire rire. Si dans le cas du Gorafi, leur vocation à l’humour est assumée et totalement transparente, il n’en est pas de même pour tous les sites qui diffusent des fake news. Ainsi, avant de vous lancer dans la lecture assidue du contenu de l’article, vous pouvez vous renseigner sur l’hébergeur de l’info. Pour déceler certains sites de parodie ou certains sites habitués de la diffusion de fausses informations, Le Monde propose son outil “Décodex”, qui classe les différentes sources d’informations classiques en fonction de leur degré de fiabilité. Ainsi, une recherche sur le Gorafi renvoie le message d’alerte : “Attention, il s’agit d’un site satirique ou parodique qui n’a pas vocation à diffuser de vraies informations. A lire au second degré”. Vous êtes prévenus !
Un dernier détail à consulter : la date de publication de l’article. Bien qu’écrit (et partagé) avec de bonnes intentions, un article qui date de plusieurs jours, semaines ou mois peut rapidement être totalement obsolète. Si la recherche avance, si de nouvelles découvertes sont faites, l’article peut avoir relaté la vérité au moment de sa publication mais proposer un contenu faux au moment du partage. Il est donc toujours préférable de consulter des sources récentes, ou du moins de vérifier qu’il n’y a pas eu de changement depuis la publication de l’article.
4. Méfiez-vous des arguments d'autorité bancals
Très souvent, et comme dans l’exemple de titre précédent, les fake news sont accompagnées d’une référence à une personne censée faire figure d’autorité : une éminente spécialiste du domaine, un professeur renommé, une équipe de scientifiques à la pointe de la recherche...Cette mention du spécialiste peut bien évidemment être authentique. Mais parfois, cette figure ne sert qu’à crédibiliser les propos de la rumeur, aux yeux de son auditoire. Bien souvent, le nom du spécialiste ne sera pas donné, ou sera purement inventé, il travaillera au bout du monde ou pour une organisation dont vous ne connaissiez pas le nom, ou seront cités très vaguement des groupes de personnes sans aucune référence précise.
On peut parfois lire, par exemple : “Les médecins qui luttent contre le virus”, “Les experts chinois”, “une virologue spécialiste du coronavirus”, “un professeur taïwanais reconnu”...
Face à ces références que l’on veut faire passer pour crédibles, votre esprit critique acéré devrait se demander : Quels sont leurs noms ? Qui sont-ils ? Où travaillent-ils ? Très souvent, l’infox ne vous permettra pas d’y répondre.
La fake news mentionnée plus haut, qui reprenait de faux conseils pour se protéger du coronavirus, commençait (dans l’une de ses nombreuses versions) comme ceci : "Voici de nouvelles informations qui proviennent d'un chercheur de Shenzhen transféré à Wuhan pour collaborer avec la task force contre l'épidémie de coronavirus."
Vous savez dorénavant que ce genre de phrases doit vous mettre la puce à l’oreille…
Bien que de nombreuses fake news soient volontairement très ludiques et faciles à comprendre, d’autres utilisent au contraire du vocabulaire complexe non expliqué. Un message qui vous explique en des termes savants une nouvelle information cruciale, mérite vérification. Pourquoi devriez-vous croire un message que vous n’avez pas compris ?
Et surtout, pourquoi l’auteur du message n’a-t-il pas fait en sorte que vous le compreniez, alors qu’il s’adresse à l’évidence à un public qui n’a pas toutes les connaissances requises pour comprendre son jargon scientifique ?
5. Une rumeur veut être partagée, ne l’aidez pas
Comme évoqué plus tôt, la rumeur tire sa force de la masse de personnes qui la diffusent. Une fake news qui n’est pas virale n’en est pas une. C’est pourquoi très souvent, le message contenant la fake news insistera (lourdement) pour que vous le partagiez à votre entourage.
Ainsi, on lit souvent des phrases comme “Je suis en train de l'envoyer progressivement à tous mes amis de langue française, n'hésitez pas vous aussi à le transférer le plus possible", "Partagez cette information avec votre famille, vos amis et vos connaissances", ou encore avec une ponctuation dramaturgique "Partagez massivement...".
Face à ce type de sollicitations, votre radar à fake news devrait bondir ! Rares sont les publications scientifiques sérieuses qui vous supplieront de les partager.
6. Écoutez vos émotions
Les sentiments que nous éprouvons sont un troisième levier utilisé par les rumeurs pour se propager. Leurs auteurs cherchent à vous choquer, vous révolter, vous inquiéter, vous donner pitié, vous faire peur, ou parfois de vous donner de l’espoir, dans le seul but de vous faire partager à votre entourage le contenu que vous êtes en train de lire.
Vous pourrez lire que “cela peut sauver des vies”, que “le peuple doit savoir ce qu’on nous cache”, ou encore que “ce qui se passe est grave, il faut que ça se sache”. Si pour certains ces arguments n’ont aucun effet, les fake news jouent aussi sur le “biais de confirmation” d’autres personnes : nous avons tous envie de croire les informations que nous avions envie d’entendre et qui nous enferment dans notre conviction. Ainsi, un message qui vous effraie ou qui vous choque, et qui va dans le sens de vos convictions, mérite une attention toute particulière. Il pourrait bien s’agir d’une fausse information.
Dans le cas du coronavirus, une infox circule, prétendant expliquer comment faire son propre diagnostic très simplement. Elle insiste sur l’espoir que donne cette nouvelle méthode et sur le fait que partager cette information peut sauver des vies. Le levier émotionnel est activé, tout comme le biais de confirmation. Dans ce cas-ci, on peut même remarquer la présence de la figure d’autorité, incarnée par le tampon officiel de la structure qui poste le message.
Nous pouvons profiter de ce point concernant la manipulation des émotions pour ouvrir une large parenthèse.
Très souvent, les fake news sont accompagnées d’une ou plusieurs images. Celles-ci seront ajoutées à la fausse information dans le but de crédibiliser le fait, mais aussi et surtout d’amplifier l’émotion que l’on a tenté de vous faire ressentir. Tout comme une phrase misérabiliste ou choquante doit vous mettre la puce à l’oreille, votre attention devrait être immédiatement retenue lorsque le l’information s’appuie, en grande partie ou complètement, sur une photographie (ou une vidéo) menant au débat ou à la polémique.
Un exemple précis : cette photographie d’une enfant, couverte de boue et tenant un chiot dans les bras, a été postée pour accompagner une info relatant les horreurs de la guerre en Ukraine. Info ou infox ? Nous reviendrons un peu plus loin sur la résolution de l’enquête nécessaire pour faire la lumière sur ce cas.
7. Lisez les commentaires
Bien que très souvent, les commentaires regorgent d’inepties en tous genres, certaines publications de fausses informations peuvent trouver dans leurs commentaires des mises en doute intéressantes. Certains internautes peuvent alerter sur la fausseté de l’information, argumenter, et parfois même en fournir la preuve, sous forme de liens vers d’autres sites, plus fiables et sourcés. Pensez cependant à faire le tri, et à lire les retours des internautes avec une extrême précaution !
Par exemple, un internaute a tenté de faire croire qu'il échangeait des textos avec le gouvernement, après avoir reçu le SMS gouvernemental “Alerte Covid-19”.
Un autre internaute a flairé l'infox et avance (avec un agacement à peine masqué !) deux arguments : premièrement, il est impossible de répondre à l’émetteur de ce message, et deuxièmement les prétendues réponses du gouvernement sont bourrées de fautes d'orthographe.
8. Remontez à la source de l’information
C’est probablement le meilleur conseil que nous puissions vous donner dans votre quête de la vérité. Si vous lisez une information qui vous semble douteuse, ou si vous souhaitez être certain.e qu’elle est authentique, le plus sage est de remonter à la source de cette information.
Si des sources sont citées, vous pouvez aller les consulter directement, à la recherche d’une confirmation sur un site fiable. Si aucune source n’est donnée, vous pouvez copier-coller le contenu de l’information dans un moteur de recherche. Très souvent, vous trouverez vite la confirmation que c’est une rumeur, démontée par des organisations fiables comme l’OMS ou le gouvernement.
Par exemple, en cherchant dans un moteur de recherche "Le virus ne résiste pas à la chaleur et meurt s'il est exposé à des températures de 26-27°C", les premiers résultats renvoient vers des sites d'information bien connus et fiables, alertant sur cette fausse information.
Comme évoqué plus haut, la rumeur peut parfois être accompagnée de photos ou de vidéos. Sans être un professionnel du montage, vous pouvez déceler des incohérences. La passionnante chaîne Youtube Hygiène mentale donne quelques clés du retour aux sources (de l’information !), et l'AFP Factuel détaille également des astuces techniques pour démêler le vrai du faux dans les images. L’une d’elles consiste à simplement enregistrer la photo sur votre ordinateur, et à utiliser la recherche inversée des moteurs de recherche. Ainsi, ce dernier vous renverra tous les sites sur lesquels la photo a été publiée. Vous pourrez alors remonter à la source de ce contenu, et comprendre d’où il vient, quand il a été posté, et surtout s’il correspond bien au contexte dans lequel vous l’avez reçu.
Revenons à notre exemple de la fillette au chiot. Info ou infox ? Nul doute que la guerre en Ukraine a fait vivre à la population des situations dramatiques qui méritent un relais international. Mais une rapide recherche inversée sur un moteur de recherche permettra vite de mettre en lumière que cette photographie de l’enfant au chiot, n’a été prise ni en Ukraine, ni pendant la guerre. Cette photo, qui a valu à son auteur un prix dans un concours photo, a immortalisé une petite fille qui a pataugé dans la boue avec son chiot en Australie, en 2010, près de 4 ans avant la guerre ukrainienne.
Un second exemple, tiré du “10 years challenge” qui a envahi la toile en 2019. Ce jeu proposait aux internautes de poster deux photos d’eux, l’une en 2018 ou 2019 et l’autre dix ans plus tôt. Très vite, des utilisateurs ont détourné ce challenge pour proposer des contenus tournés autour du réchauffement climatique. C’est ainsi que l’on a vu apparaître cette image.
L’antarctique fond à une vitesse hallucinante, avec pour cause principale le réchauffement climatique fruit de l’activité humaine. Les réactions sont immédiates et vives, la toile s’enflamme autour de cette photo. Mais deux indices clochent un peu… Premièrement, aucun lien ne renvoie vers les sources de ces deux photos. Deuxièmement, aucun élément ne permet de dire avec certitude que ces deux images sont prises au même endroit, ni ne sont à la même échelle. De nouveau, une recherche inversée à partir des deux photos rappelle nos émotions à l’ordre. La première photographie, prise il y a 10 ans selon le photomontage, a en réalité été prise en novembre 2016 par le scientifique Jeremy Harbeck lors d’une mission de la NASA. Elle montre la barrière de glace de Getz, dans l'ouest de l'Antarctique. La deuxième photo a quant à elle été prise en août 2018 par la scientifique Julienne Stroeve, du Centre national américain de la neige et de la glace. Cerise sur le gâteau, l’image montre une banquise de l’océan Arctique, à l’autre bout du globe.
“Une image vaut mille mots”, disait Confucius. Ainsi, si notre méfiance doit être sollicitée par des messages aux phrases douteuses, il en est de même avec les images, qui très souvent sont bien plus puissantes. Écoutons la petite voix dans notre tête, qui nous dit “C’est bizarre, ça, quand même…”, et dans le doute, vérifions l’info avant de la partager.
9. Croisez plusieurs sources
Cette astuce fait écho au point précédent conseillant de remonter à la source de l’information. En effet, quel que soit le résultat de votre enquête après être remonté à la source, il est toujours plus prudent de croiser de multiples sources, et en particulier lorsque l’information provient du bouche à oreille, d’une publication sur un réseau social, ou d’un site feu fiable. Bien que les fake news puissent être relayées sur plusieurs sites, une même information partagée sur plusieurs sites fiables a de bonnes chances d’être authentique.
10. Questionnez un·e spécialiste
Si, malgré votre esprit critique aiguisé et vos recherches, vous n’êtes pas sûr.e de la véracité d’une information, rien de tel que la réponse d’un.e spécialiste. Dans le cadre de la pandémie actuelle, plusieurs plateformes comme Franceinfo, TF1, LCI, proposent de poser en live ou sur un chat vos questions, afin qu’elles trouvent réponse directement auprès de spécialistes qualifiés.
Des réactions ou des questions au sujet des fake news ? Exprimez-vous sur les réseaux sociaux (@RotondeSciences), ou contactez-nous via le site internet !
Sources
Le Monde : https://www.lemonde.fr/verification/
France TV Info : https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/les-jeunes-partagent-moins-de-fake-news-que-leurs-aines_3138221.html
The Conversation : https://theconversation.com/conversation-avec-laurent-chambaud-sante-et-fake-news-les-liaisons-dangereuses-118871
Fouloscopie : https://www.youtube.com/watch?v=JORhEzwTY18
Hygiène Mentale : https://www.youtube.com/watch?v=0ig87rUmwc8 https://www.youtube.com/watch?v=miJ2ObMs-I4
Science Direct : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0191886910000784?via%3Dihub
Science Advances : https://advances.sciencemag.org/content/5/1/eaau4586
AFP : https://factuel.afp.com/fact-checking-comment-nous-travaillons